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« Ayiti anvi viv », le cri d’une jeunesse (désemparée)

La Radio nationale d’Haïti (Rnh) a réalisé ce samedi 2 septembre 2017, à Alvarez resto club, sis à l’avenue Jean Paul II, la grande finale de son concours de slam organisé au cours des vacances d’été à l’intention des jeunes du pays. Une soirée riche en couleurs qui a mis sous le feu des projecteurs la voix de la nation qui commence déjà à renaître de ses cendres.

C’est sur le thème très évocateur « Ayiti anvi viv » que s’est déroulé, pendant les mois de juillet et d’août, ce concours. Ils étaient une trentaine de jeunes d’horizons divers à prendre part à cette compétition considérée par plus d’un comme le grand événement des vacances aux côtés de « Woulib », « La grande roue des vacances », autres émissions éducatives, culturelles et ludiques conçues pour combattre l’oisiveté et le délaissement chez les vacanciers. Après avoir reçu les slams sur un disque enregistré, un jury a été constitué au sein de la station pour évaluer les œuvres aux fins de diffusion sur les ondes de la radio. Puis le public a été invité à voter pour le concurrent de son choix. De cette première sélection, 20 slameurs ont été retenus desquels 10 ont été choisis par le jury pour s’affronter en finale.

Il était déjà 17h 20 minutes quand le maître de cérémonie, Jean Robert Raymond, dit El Senior, accompagné de Staloff Troffort (la révélation en matière d’animation à la Rnh d’après les propres mots du D.G. Marc Exavier) aouvert la soirée. Place au numéro un de la radio, Marc Exavier, qui ne va pas par quatre chemins pour souligner que le concours se veut

un pari sur l’espoir et l’avenir. Il visait, entre autres objectifs, à inciter les jeunes à écouter et fréquenter la radio, stimuler la créativité des artistes, susciter une attitude positive et optimiste chez les jeunes et les encourager dans des actions susceptibles d’améliorer les conditions de vie dans le pays.

À un moment où nombre de jeunes mettent les voiles vers le Chili, le Brésil ou le Japon et d’autres destinations de l’Amérique considérées comme des « eldorados », parce que ce pays ne leur offre aucune ouverture, parce que tous les horizons sont bouchés, le concours a été un bon stimulant pour redonner l’espoir et insuffler le désir et le goût de vivre et de croire en l’avenir d’Haïti. Les textes sont d’une grande richesse thématique et expriment le malaise, la révolte, le ras-le-bol de chacun des dix slameurs, comme les héros des Dix hommes noirs d’Etzer Vilaire face au désenchantement et la situation de décrépitude du pays. Ils évoquent une série d’événements, dix au total comme les dix plaies d’Égypte, perçus comme accrocs au développement du pays : la colonisation, la corruption, l’exode rural, l’explosion démographique, les cyclones, la dictature, l’occupation américaine, la Minustha et le choléra, le séisme de 2010, la mauvaise gouvernance, l’analphabétisme.

Pour James Dufresne, journaliste de la Rnh, l’un des instigateurs de l’activité à la radio,

ce concours a permis à chacun de ces jeunes de découvrir leur talent (caché) de slameur et à d’autres de mettre leurs talents en évidence .

De son côté, le coordinateur des activités estivales à la radio, Jean-Charles Molière Louis, précise qu’

il s’inscrit aussi dans une autre dynamique.Celle de remettre la radio sur les rails, de créer l’envie d’écoute, de se familiariser avec elle et surtout de rééditer l’exploit de 2004 avec le tandem Marc Exavier-Gary Augustin de regretté de mémoire, (ce 2 septembre amène la troisième année de sa disparition).

Ce n’est pas Mirline Pierre de LEGS ÉDITION, partenaire du concours, qui dira le contraire :

comme activité intellectuelle et ludique, le concours a permis, entre autres, d’éveiller la capacité créatrice chez les jeunes et leur a permis d’exprimer leur perception sur l’Haïti d’aujourd’hui et de projeter un autre regard sur l’Haïti rêvé.

Les trois gagnants du concours Meschak Lebrun (Reste debout, 1er), Yourir Fleurissaint (Rèv sa, 2e) et Daniel Lamour (3e) ont été ovationnés par le public. Le jury composé du parolier Kébert Bastien (Keb), du slameur Jean Rollet Étienne du collectif Feu vers, du poète James Saint-Félix (Ti powèt) a fait un travail colossal. Resté sur sa faim, le public prend rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle édition du concours.

 

Dieulermesson PETIT FRERE, M.A.

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