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Sybille Claude, le chant d'une promesse

Avec son premier roman, Le chant des blessures, paru en 2017 chez Legs Édition, Sybille Claude inaugure l’ère de la nouvelle génération des femmes-écrivains en Haïti. Cette génération qui se construit lentement mais sûrement dans la quête d’une esthétique et d’une identité qui se définissent dans le choix des thématiques, du degré (non zéro) de l’écriture… C’est la voix/voie d’une transition brusque ou silencieuse qui s’opère. Fini le temps du tâtonnement, le bal des médiocres et des écrivains ratés qui cherchent l’inspiration dans un verre d’alcool.

Ce roman aux accents douloureux, d’une finesse d’écriture, d’une musicalité et d’un rythme haletant est le cri de désespérance et du rêve déchiré de tout un peuple à l’agonie. Chant de guerre et chant d’espérance, champ de ruines et de silences amers, le roman dit toute la faiblesse d’un système politique et social incapable d’inventer le désir de vivre, l’illusion du vivre-ensemble et la nécessité d’être et d’habiter son pays.

Le chant des blessures est un roman court et puissant, tragique et violent. Il est ce tout à la fois par la force et la fluidité (toute poétique) de l’écriture, la charge du récit qui relève toute l’urgence et la difficulté d’être et de vivre dans un pays, pour répéter Christophe Wargny, qui n’existe pas parce qu’incapable de sortir ses citoyens de la marge. Où le seul moyen de donner forme à sa présence au/dans le monde, c’est d’écrire ou de partir. Ce roman est le cri d’une société en proie aux déchirements politiques de tout poil qui entravent son développement et l’épanouissement de ses individus. Violent réquisitoire contre la misère, les inégalités et le désespoir, Sybille Claude évoque, par la bouche de sa narratrice, un désir d’être et de renaître par l’art, la libération de soi et de la parole.

Née dans une famille de condition modeste, d’un père intellectuel, poète de surcroit, et d’une mère ordinaire, Sarah Aurore Barreau est cette jeune fille qui, en dépit de son désarroi et des atrocités de la vie, n’entend pas désespérer de l’existence. À la mort de son père, tombé dans le cadre de l’opération Bagdag à Port-au-Prince, son frère prend la mer et meurt noyer sans voir le jour poindre à l’horizon. Seule avec sa mère à l’agonie, Sarah voit sa vie s’en aller comme son frère, son complice, « son double […], son meilleur ami, la personne à laquelle elle a toujours voulu ressembler.

Le chant des blessures, un roman à lire absolument !

Dieulermesson Petit Frère

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