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Point cardinal de Léonor de Récondo ou le courage d’être soi

J’ai longtemps cru qu’être père me suffirait pour rester homme. C’est avec ce genre de certitudes que j’ai écrasé la femme dedans.

p. 157

Je suis dans une impasse. Comment réunir ma peau d’homme avec la femme que je suis à l’intérieur, ses formes, son esprit, ses désirs ? […] Si je ne me suis jamais senti homme, je me suis toujours senti père.

p. 82, 88

N’est pas femme qui veut ! Ni une affaire de corps ou de cœur, la féminité autant que la masculinité est surtout et avant tout une conception, mieux encore une construction. C’est dans la représentation que l’on se fait de soi ou de l’autre que peut se définir et appréhender l’autre. L’affaire ne semble pas être du tout simple. Ce n’est pas toujours une question de pile ou face. Entre le blanc et le noir, le jour et la nuit, il y a les nuances…

Point Cardinal de Léonor de Récondo est un roman crucial et osé qui vient à remettre les pendules à l’heure sur la perception de l’être et les différentes manières d’être soi et d’exister au monde. Véritable interrogation sur l’identité (sexuelle), les rapports avec son corps et les multiples façons de l’habiter, le livre aborde, dans un langage dépouillé de clichés, cette question sensible et fragile sans langue de bois.

Un homme, Laurent, marié depuis tantôt 20 ans et père de deux enfants, supporte mal sa masculinité. En lui sommeille une femme, Mathilda. Tous les week-ends, il se travestit, rejoint Cynthia et ses amies du Zanzibar pour danser sa vie. Tout se passe ainsi jusqu’au jour où il se décide en plein diner avec sa famille, à mettre sa peau sur la table.

Point Cardinal est un roman délicat, touchant et bouleversant qui traite, avec tact, sans fards, de l’identité sexuelle, du courage d’être soi, peu importe les conséquences. Laurent, tantôt Mathilda, est un homme fort courageux, ou plutôt une femme forte et courageuse, tenace, animée d’une grande détermination. Devenir ce qu’on a toujours été demande un grand investissement et une grande responsabilité. Et c’est ce que Laurent a compris qui fait qu’il s’est attelé à devenir Lauren, cette femme qu’il a toujours été dès son jeune âge.

À lire ce roman, on ne peut cesser de s’interroger sur sa véritable nature ou sa nature profonde.

Combien de temps faut-il pour être soi-même ?

p. 154

Cette question posée par Laurent dans sa lettre à son amie et son coach Cynthia est au cœur du roman. Il suffit de suivre son parcours – jusqu’à sa transition – pour se convaincre à l’idée qu’on n’est jamais soi-même ou ne se connaît jamais totalement.

Paru d’abord en 2017 chez Sabine Wespieser, Point Cardinal a été réédité chez Points la même année. Il est paru chez LEGS ÉDITION le 5 août 2019 à Port-au-Prince.

Dieulermesson Petit Frère


Imaginaires, Légendes et Croyances populaires

APPEL À CONTRIBUTIONS POUR LE 15e NUMÉRO DE LA REVUE LEGS ET LITTÉRATURE

Date limite : 15 mai 2020

L’Association Legs et Littérature (ALEL) lance un appel à contributions pour le 15e numéro de la revue Legs et Littérature, consacré à la thématique Imaginaires, Légendes et Croyances populaires qui paraîtra en juin 2020 chez LEGS ÉDITION.

Le terme folklore renvoie dans le monde scientifique, affirme Emile Sicard, « un peu et uniquement [à] quelque chose de plus ou moins mythique, qui ne représente que peu d’éléments concordant avec la réalité concrète et ce, jusque dans l’adjectif qui en est dérivé, quelque chose de peu sérieux »[1] ».  Il renvoie, dans une certaine mesure, aux usages, aux traditions, à un système de valeurs et de croyances plutôt basés sur les sens et non sur des catégories scientifiques. Le mot est apparu pour la première fois, à en croire le comte de Puymaigre[2], dans le numéro du 22 aout 1846 de l’Athenaeum. Créé par Williams J. Thoms à partir de l’association de l’anglais folk (peuple) et lore (tradition orale) pour qualifier la science du peuple, il évoque la culture nationale commune, le patrimoine populaire[3]. Si dans Le Larousse du XXe siècle, le folklore est défini comme « la science des traditions, usages, croyances, légendes et littératures populaires », peu importe l’approche considérée (littéraire, anthropologique, sociologique, ethnologique), il comprend donc l’ensemble des traditions, chants, danses, narrations/récits, contes, modes de penser, jeux conçus par la croyance populaires et rapportés sous forme orale.

En effet, le terme folklore est utilisé aujourd’hui, et ceci depuis le début du XXe siècle pour « qualifier une science qui a graduellement étendu son domaine, au point d’englober l’ensemble de la vie humaine »[4]. C’est donc la science des traditions, des coutumes, le savoir populaire conçu ou construit à partir des sens transmis de générations en générations et donc préservé par la mémoire. Son champ d’étude embrasse donc « des curiosités culturelles tenues pour être les survivances d’une période antérieure de l’histoire des peuples à écriture, « civilisés »[5]. L’origine d’une telle science est, généralement, attribuée aux travaux de Jacob Grimm – « point de départ de la constitution de la philologie comme discipline scientifique au sens moderne ; selon une tradition solidement établie, ils représentent également l’origine des études de folklore. Cette affirmation caricaturale, et quelque peu naïve, méconnaît à la fois le rôle de l’Académie celtique, antérieur à celui de Grimm, dans l’initiation de l’étude des traditions populaires mais aussi les liens que le savant allemand a noués avec cette institution et l’influence qu’elle a exercée sur lui »[6].

Si le folklore englobe les savoirs, les croyances populaires, qu’en est-il donc des traditions ? N’est-ce pas le legs d’une époque qui persiste dans le présent ? Il s’agit là d’une inscription permanente d’un certain passé dans le présent. Aussi la tradition renvoie-t-elle à la fois à un message culturel de sens profond et à sa transmission. À cet effet, comment les sociétés arrivent-elles à transmettre ce message et à faire le tri de ce passé si lourd de charge culturel. Dans son article paru dans la revue Terrain sur la notion de tradition, Gérard Lenclud affirme que ce qui relève de tradition est tout « ce qui passe de génération en génération par une voie essentiellement non écrite, la parole en tout premier lieu mais aussi l’exemple »[7]. Dans ce contexte, la littérature, compte tenu du fait qu’elle nous permet de nous assumer et, du coup, d’assumer le monde, et puisqu’elle est « le miroir de la société », donc son expression, elle est l’une des plus grandes garantes des valeurs du passé. En tant qu’ « Exercice de pensée et expérience d’écriture, la littérature répond à un projet de connaissance de l’homme et du monde », a souligné Antoine Compagnon[8] dans sa leçon inaugurale au Collège de France en 2006. D’où le bien-fondé des propos de Leslie Kaplan qui croit que « La fiction, l’invention par les mots, la liberté que donne l’écriture […] ce n’est pas n’importe quoi, c’est une façon à la fois de prendre la réalité au sérieux et d’expérimenter sa non-nécessité. Au lieu de s’aplatir devant la réalité, de dire c’est comme ça, c’est une façon de répondre, de transformer »[9].

Ce numéro de Legs et littérature s’intéresse à la question des imaginaires, légendes et croyances populaires sous plusieurs angles, dans différents aspects et différentes sphères géographiques. « La fiction, poursuit Lesli Kaplan, cette expérience du possible, est une des façons de sortir de l’aliénation, de l’enfermement, de ce ressassement malheureux et misérable qu’est le seul souci de soi »[10]. En quoi  la littérature permet-elle de sortir de soi et s’ouvrir à l’autre tout en restant attaché à ses légendes et traditions ? Qu’apporte-t-elle aux légendes et les croyances populaires qui se sont érigés à travers les époques comme les socles des sociétés et vice versa ? Comment la littérature interroge-t-elle ou s’approprie-t-elle des légendes et des croyances populaires à travers les siècles ? Il s’agit donc de traiter des rapports du folklore et de la littérature et de la place des mythes dans le champ littéraire.  

Le propos n’est donc pas de proposer ni de présupposer, à prime abord, une définition de la tradition, du folklore, mais d’étudier minutieusement les différents regards portés sur ces notions par des écrivains dans leur propre travail d’écriture ou de lecture et d’interprétation de textes, en tant que critiques littéraires et ou chercheurs. Peu importe l’approche considérée (théorique, comparatiste, sociologique ou textuelle), la réflexion sur les liens entre auteurs, textes, légendes et traditions dans les différents contextes portera nécessairement sur la transmission de la tradition par le texte.

Ces pistes n’ont pas la prétention d’être exhaustives. Ainsi, la Revue Legs et Littérature invite les contributeurs/rices à explorer d’autres aspects de la question sur le plan diachronique et synchronique et espère, par les différentes propositions, dégager une vue d’ensemble de la question touchant même à des domaines insolites qui sont peu ou pas abordés par la critique. Alors que toute étude comparative et interdisciplinaire de cette thématique est souhaitée, les postulants peuvent résolument s’inspirer des axes suivants dans leurs propositions, la liste n’étant pas exhaustive. 

Axes thématiques :

Axe 1 : Folklore et littérature jeunesse : qu’apporte le folklore à littérature enfantine ?

Axe 2 : Folklore et littérature : existe-t-il une esthétique folklorique ? Que doit la littérature au folklore et vice versa ?

Axe 3 : Roman fantastique et/ou littérature fantastique : quels sont les champs du roman et/ou de la littérature fantastique ? Jeux, enjeux et contradictions entre littérature, roman et politique.

Axe 4 : Littérature et tradition : la littérature permet-elle aux traditions de se perpétuer ? Comment les écrivains s’approprient et/ou transforment-ils les traditions ? Le poids des traditions dans leur travail d’écriture.

Axe 5 : Littérature et changements sociaux : le rapport de la littérature avec le social, les mœurs, les traditions et les comportements. Ce qu’elle apporte comme actif dans le processus de changement et/ou d’évolution de la société.

Axe 6 : Littérature et merveilleux : fiction, imaginaires, surnaturel. La place du merveilleux dans le roman et les récits francophones. La figure du vampire

Axe 7 : Mythes et légendes : usages et valeurs des mythes et des légendes dans le corpus littéraire.  Les mythes modernes : Dracula, Frankenstein, La petite sirène, Aladin, Cendrillon…

Axe 8 : Tradition et renouvellement : la tradition comme source/origine. Comment les traditions se renouvellent-elles ?

Protocole de présentation et de soumissions des textes :

L’auteur devra envoyer sa proposition de contributions par courrier électronique en format Word tout en indiquant (1) son nom ou pseudonyme, le cas échéant, (2) son titre universitaire, (3) le titre du texte ou les premiers mots de chaque texte (4) sa notice biobibliographique ne dépassant pas 100 mots, (5) un résumé (Abstract) du texte ne dépassant pas 250 mots.

Longueur des textes

– 4 000 à 6 000 mots pour les réflexions, les textes critiques portant sur une œuvre littéraire.

– 1 000 à 1 200 mots pour les notes ou comptes rendus de lecture.

– 1 000 à 1 500 mots pour les portraits d’écrivains.

– 1 500 à 2 000 mots pour les entretiens avec des écrivains, critiques littéraires et chercheurs.

– Poèmes ou nouvelles en français : maximum 5 pages ou 5 poèmes.

La police de caractères exigée est le Times New Roman, taille 12 points, à un interligne et demi, et une taille de 10 points pour les notes de bas de page, police de caractère, Calibri.

  • Titre du texte: le titre doit être en gras avec les titres des œuvres en italique. S’il comporte deux parties, utilisez deux points au lieu du soulignement. Exemple : Chauvet et Faulkner : cas d’intertextualité.
  • Les références: toute citation doit être associée à une note de bas de page. Les citations de moins de 5 lignes sont intégrées au texte et indiquées par des guillemets –sans italique. Allez à la ligne et utilisez l’alinéa pour les citations de plus de 5 lignes. Dans ce cas, il n’y a ni guillemets ni italique. Veuillez indiquer les références en bas de pages (Prénom, nom de l’auteur, titre du livre, lieu de l’édition, maison d’édition, année de publication. Ex : Marie Vieux-Chauvet, Fille d’Haïti [1954], Paris, Zellige, 2014.)
  • Bibliographie, Livres : Indiquer le nom de l’auteur (maj.), prénom (min.) suivi du titre de l’ouvrage (italique), lieu de l’édition, maison d’édition, année de publication. Ex : VIEUX-CHAUVET, Marie, Fille d’Haïti, Paris, Zellige, 2014.

S’il s’agit d’un livre publié plus d’une fois, il faut préciser l’édition consultée et l’année de la première publication mise entre crochets précédée du titre. Ex : VIEUX-CHAUVET, Marie, Fille d’Haïti [1954], Paris, Zellige, 2014.

  • Chapitre d’un livre : Nom de l’auteur (maj.), Prénom (min.), titre du chapitre (entre guillemet), titre de l’œuvre (italique), ville, édition, année de publication.

Article de revue: Nom de l’auteur (maj.), Prénom (min.), titre de l’article (entre guillemet), nom des directeurs du numéro, nom du magazine, journal ou revue (en italique), volume, numéro, année de publication, pages consultées. Ex : LAHENS, Yanick, « Chauvet, Faulkner : cas d’intertextualité », Carolyn Shread, Wébert Charles (dir.), Revue Legs et Littérature, No 4, janvier 2015, pp. 65-82.

Date limite de soumission des propositions : 29 février 2020.

Date limite de soumission des articles : 15 mai 2020 ; 23h 59 min 59 sec. Envoyez vos propositions d’article avant le 29 février 2020 à legsedition@outlook.com


[1] Emile Sicard, Folklore contemporain et littérature dans leurs rapports avec la sociologie des peoples sud-slaves, n: Revue des études slaves, tome 51, fascicule 1-2, 1978. Communications de la délégation française au VIIIe Congrès international des slavistes (Zagreb, 3-9 septembre 1978) pp. 217-224.

[2] Pour Theodore Joseph de Puymaigre cité par Jean Price-Mars, le « Folklore comprend dans ses huit lettres, dit-il, les poésies populaires, les traditions, les contes, les légendes, les croyances, les superstitions, les usages, les devinettes, les proverbes, enfin tout ce qui concerne les nations, leur passé, leur vie, leurs opinions. Il était nécessaire d’exprimer cette multitude de sujets sans périphrases et l’on s’est emparé d’un mot étranger auquel on est convenu de donner une aussi vaste acception… ». Cf. : Jean Price-Mars, Ainsi parla l’oncle. Essais d’ethnographie, [1928], Port-au-Prince, Imprimeur II, 1998, p. 4. 

[3] Selon Claudine Gauthier, « L’origine de cette science est attribuée, ordinairement, aux travaux de Jacob Grimm et s’associe étroitement au renouveau du concept de philologie, opéré dès le début du XIXe siècle, discipline dont le folklore est issu avant de parvenir à s’ériger lui-même en tant que science autonome ». Pour approfondir, voir Claudine Gauthier, « Philologie et Folklore : De la définition d’une frontière disciplinaire (1870-1920), in Les carnets du Lahic, No 2, LAHIC/Mission Ethnologie (Ministère de la Culture). Mission Ethnologie (Ministère de la Culture), 2008, p. 4. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00505586

[4] Ibid., p. 7.

[5] Ibid., p. 8.

[6] Ibid., p. 5.

[7] Gérard Lenclud, « La tradition n’est plus ce qu’elle était… », Terrain [En ligne], 9 | octobre 1987, mis en ligne le 19 juillet 2007, consulté le 04 janvier 2020. URL : http://journals.openedition.org/terrain/3195

[8] Antoine Compagnon, La littérature, pourquoi faire ?, Paris, Fayard, 2007, p. 24.

[9] Lesli Kaplan, « Qui a peur de la fiction ? », Libération, 13 février 2001.

URL : https://www.liberation.fr/tribune/2001/02/13/qui-a-peur-de-la-fiction_354470

[10] Lesli Kaplan, Ibid.


Haïti Futur promeut le livre et l’art haïtiens à Paris

Du samedi 1er au dimanche 2 décembre 2018, a lieu à Paris la cinquième édition du Salon du livre et la vingt-quatrième édition de l’art haïtien à Paris sous la houlette de l’association Haïti Futur en collaboration avec les éditions Zellige et la librairie Le Divan. Un large éventail d’ouvrages haïtiens et de produits artisanaux a été présenté au public.

C’est dans les locaux de la mairie du 15e arrondissement qu’a lieu cet événement ayant mis à l’honneur les écrivains Emmelie Prophète et Gary Victor des éditions Mémoire d’encrier qui a célébré cette année ses quinze ans. Organisée autour du thème « Haïti et la littérature francophone des Amériques », toute une pléiade d’activités, entres autres, des conférences, des tables rondes, des séances de dédicace, des rencontres avec des auteurs invités a constitué le menu du salon.

Les deux journées ont été riches en activités. Une foire gastronomique mettant en valeur la gastronomie locale s’est tenue pendant les deux jours. La journée du samedi a été ponctuée d’une table ronde sur le créole avec Frantz Gourdet des éditions LEVE et Josette Bruffaerts-Thomas suivie d’une conférence avec Emmelie Prophète, Castro Desroches et Gary Victor (Haïti et les écrivains francophones des Amériques) et d’une causerie de Valérie Marin La Meslée avec Gary Victor (Gary Victor, ses œuvres, ses rêves, ses combats). Deux autres conférences, l’une sur la diffusion du livre en Haïti (Monique Lafontant, Dieulermesson Petit-Frère, Frantz Voltaire et Emmelie Prophète) et l’autre sur la présentation de l’ouvrage d’Yves Chemla, ont été présentées la journée du dimanche.

Signalons qu’une belle soirée d’hommage, agrémentée de chansons et de textes avec les voix de James Noël, le guitariste Amos Coulanges, le percussionniste Atiassou Loko, a été rendu au photographe, peintre et poète haïtien décédé le 29 octobre dernier. Son livre, « Un homme peau noire, peau rouge, un homme de toutes les saisons », qui vient de paraître aux éditions Mémoire d’encrier, a été, à cette occasion, présenté au public.

Parmi les autres auteurs présents à cette édition du Salon du livre, citons Makenzy Orcel, Cstro Desroches, Yves Chemla, James Noël, Dieulermesson-Petit Frère de LEGS ÉDITION, Frantz Voltaire du Cidihca, Rachel Vorbe et Maïde Maurice. Outre le salon du livre, une grande exposition d’œuvres artisanales haïtiennes a lieu dans l’une des plus grandes salles du rez-de-chaussée de la mairie.

Créée en 1994, Haïti Futur est une association œuvrant dans le développement d’une éducation de qualité en Haïti, la promotion de la culture haïtienne et de l’entrepreneuriat.


Face à la mère ou dialogue au bout de la mort

Face à la mère, Les solitaires intempestifs, 2006

Face à la mère est une pièce de Jean-René Lemoine parue en 2006 aux éditions Les Solitaires Intempestifs. Écrit dans un style bien ciselé, d’une écriture limpide et douce, le texte se veut être un rendez-vous avec l’absente – la mère disparue dans les terres de l’enfance, le pays natal. Un dialogue au-delà de la mort pour ré-inventer la présence de cette femme-mère.

 

Un fils et une mère se parlent –le fils écrit à la mère. Dans le clair-sombre de l’exil. Au-delà de la mort. Du temps et de l’espace. Cet exil sans retour forgé par le temps et la distance, la mer et les frontières que nous inventons à cœur/chœur perdu. À force de silence, de repli sur soi.

Le fils parle à la mère –cette mère enseignante assassinée un soir dans la maison familiale. Le cœur serré, mélancolique, la voix lourde comme une pierre et les paroles toutes empreintes de regrets et de remords. Et ce trop-plein d’amour de cette mère qu’il n’a pas voulu supporter le temps de son vivant. Le temps qu’il s’apprêtait à entrer dans l’âge adulte. Parce qu’il avait besoin d’intimité. De liberté. Ne plus se sentir épié. Pour ne pas devenir un saint comme la mère toujours enveloppée dans son costume de sainte.

Face à la mère est ce monologue polyphonique –récit de ce fils qui s’adresse à sa mère morte. Ou plutôt un dialogue impossible, improbable sur le passé familial, sur le pays qui se meurt. Plus qu’une pièce de théâtre, le texte se veut aussi un récit de mémoires, de champs/chants de souvenirs. Avec des blessures qui saignent. Des cicatrices qui ne ferment pas.

Tout le texte est traversé par des échos douloureux. Des séparations qui n’en finissent pas. Des souvenirs épars : l’enfance, le départ pour l’exil, les allers-retours de l’Afrique à l’Europe, le père qui s’en va refaire sa vie à Kaboul. Des soupirs prolongés. Des cris de joie et des brins de bonheur fugaces. Que quitter son pays est aussi difficile et dur de se séparer des siens.

Face à la mère est une pièce ou plutôt un texte, un poème en trois mouvements, tel La divine comédie de Dante, autour d’un seul et même vécu : l’amour filial, l’amour de la terre natale. Chant/champ d’amour, quête de réconciliation, de soi et de l’autre qui dit l’impossibilité du dire et les rendez-vous manqués qui heurtent l’existence, même après la longue odyssée (sans retour) qui conduit à la félicité.

Jean-René Lemoine, Face à la mère, Paris, Les Solitaires Intempestifs, 2006, 64 pages.

 

Dieulermesson Petit Frère


« Haïti est un pays de merde », dixit Donald Trump

Une douche froide. C’est le moins que l’on puisse dire en réaction à des propos racistes, méchants et irresponsables tenus par l’actuel président des États-Unis, Donald Trump, à l’encontre de notre chère Haïti le 11 janvier dernier.

La nouvelle a eu l’effet d’une traînée de poudre. De toutes parts fusent des réactions, les unes aussi violentes que les autres. Le peuple noir dans son ensemble se sent humilié, rabaissé, blessé dans sa dignité et dans son orgueil. Dans un élan de fraternité et de solidarité, il clame haut et fort sa désapprobation et son refus d’accepter l’inacceptable. Habitué et élevé dans une culture militante, ce peuple a appris à se battre pour obtenir ce qu’il désire, d’où ce sentiment de fierté qui l’habite toujours en dépit des circonstances adverses.

Quand à nous Haïtiens, principale cible des flèches enflammées de M. Trump, ou est passée notre fierté patriotique ? Quel type de dirigeants assure le leadership de notre pays ? La réaction collective est quasi-nulle. Le pays est réduit au silence parce que notre droit d’aînesse est vendu, mais heureusement nos racines sont nombreuses, profondes et vivaces. Çà et là se dressent encore des Haïtiens et des Haïtiennes qui prennent le contre pied des insinuations du président Trump et qui font des marchepieds pour aller plus loin et plus haut où ils n’ont jamais été encore.

Si cet incident fâcheux nous laisse des cicatrices profondes, il détient en outre un aspect positif : celui de réveiller notre conscience nationale et de nous propulser enfin sur la route du changement pour qu’Haïti redevienne « la Perle des Antilles ». Mais quel autre événement va déclencher notre changement de mentalité ?

Marie Vivianne Gilles


Haïti : état des lieux après la déclaration de Donald Trump

©Time Magazine

« Haïti, Salvador et les pays Africains sont des « trous de merde », aurait déclaré le président Américain Donald Trump au bureau ovale lors d’une présentation de projet sur l’immigration par les sénateurs, le jeudi 11 janvier 2018. Depuis lors, des commentaires et des réactions ne cessent de pleuvoir des pays concernés mais aussi d’ambassades et de personnalités du monde entier.

Le ministère des Affaires étrangères d’Haïti a été la première instance du gouvernement à se prononcer sur la question. Il a fait sortir une note de presse dans laquelle le gouvernement condamne ces propos qualifiés de déplacés du premier président du monde.

Les réactions des Haïtiens d’un peu partout sur les réseaux sociaux ne se sont pas faites attendre non plus. Contrairement aux années précédentes, ce 12 janvier 2018 a été quasiment consacré aux débats sur la question, si l’on tient compte des nombreux commentaires qu’on pouvait lire dans le fil d’actualité de Facebook. Nombreux sont ceux qui étalaient les problèmes d’Haïti pour tenter de donner un sens à cette déclaration, au moment où d’autres en ont profité pour exprimer leur fierté à l’égard de leur pays en dépit de tout.

Quant au premier ministre Haïtien, Jack Guy Lafontant, sa déclaration sur la question lors d’une visite à Jérémie a laissé plus d’uns perplexes et sur leur faim : « on ne sait pas s’il a dit ça. Il (Donald Trump) a dit qu’il ne les a pas dits. Mais s’il les avait dits, ce serait regrettable».

L’ambassade d’Haïti aux États-Unis a reçu de nombreux messages de solidarité et d’excuses de milliers d’Américains.

L’ONU et d’autres instances Américaines présentes sur le sol Haïtien ont aussi présenté leurs excuses au nom du peuple Américain aux Haïtiens.

L’Haïtien est souvent le premier à dénigrer son propre pays et à faire l’éloge de pays étrangers mieux structurés. Cette déclaration insultante du président Trump saura-t-elle réveiller les consciences endormies et le patriotisme qui nous fait si souvent défaut ? C’est mon vœu en tout cas. Le mal est déjà fait. À nous de prendre notre avenir en main.

 

Régine Édouard


Haïti, le pays de toutes les urgences…

Ceux qui vivent sont ceux qui luttent

Victor Hugo

Cette citation du poète et romancier français Victor Hugo de Victor Hugo date de plus d’un siècle. Il est plus qu’évident qu’elle vaut tout son pesant d’or et tiendra longtemps la route tant qu’il pleut encore de vie sur cette terre. Est considéré comme mort celui qui ne se bat pas pour donner un sens, une raison d’être à sa vie. Car jamais la vie n’a été un spectacle auquel l’être humain a été invité à prendre son pied en regardant passer le temps. Encore moins une pièce de théâtre dans laquelle il s’offre en spectateur, mais plutôt un acteur conscient du rôle qu’il est appelé à jouer. Vivre requiert du courage, de la force, de la dignité et du pouvoir –le pouvoir de l’intelligence surtout– de vouloir changer sa situation, transformer sa communauté, comprendre l’autre, son petit cercle d’amis, tendre la main à celui qui souffre, se battre pour de vrai pour sa cité, pour son peuple quand il vous a choisi pour défendre ses intérêts et qu’il puisse vivre mieux.

Nous avons toujours vécu dans l’urgence dans ce pays mais l’urgence de vivre mieux n’a jamais été la priorité de ceux qui nous dirigent et qui malheureusement nous prennent toujours pour des spectateurs et non comme des acteurs pourvus du droit d’avoir un regard sur la chose publique, en un mot sur les affaires de la res publica. Faute de connaître nos droits et d’être toujours présents quand le devoir nous appelle, nous avons toujours vécu dans l’indifférence, donnant ainsi libre cours et plein pouvoir aux fossoyeurs de la patrie qui savent en tout temps comment profiter de notre innocence et notre ignorance. Le grand poète Carl Brouard avait raison de dire dans son poème « Vous » que

« [Nous sommes] une grande vague qui s’ignore, [que nous sommes] les piliers de l’édifice[1] »,

à savoir cette république que nous avons mise debout, et qu’en un seul vrai soulèvement, tout pourra s’écrouler : le président et tous les autres mal élus imposés par les mains invisibles.

Tant que nous aurons un État

« au service d’un petit groupe et toujours prêt à refouler ou contenir le gros de la population dans une sorte de hors-normes, dans une périphérie un peu sauvage et archaïque, aux abords et en dehors de la République[2] »,

l’incertitude sera toujours à nos portes. Il y aura toujours des casses, des rêves brisés et des jours sombres. Car

« La colère au pays est facile et salutaire. À vivre la faim, l’injustice, le racisme et l’exclusion, l’Haïtien a le légitime désir de vouloir incendier l’île[3] ».

Et personne ne pourra nous faire croire le contraire.

Haïti est le pays de toutes les urgences et de toutes les impasses. Un pays toujours en état d’urgence, malheureusement nous ne sommes pas toujours en état d’alerte face aux mensonges, l’injustice et tous les féaux qui nous rongent, nous décapitalisent et nous sucent le sang. Nous n’avons jamais su profiter des urgences pour forger des issues heureuses à nos rêves qui meurent étouffés en l’espace d’un cillement. De vrais et bons départs pour d’heureux lendemains. C’est que nous ne savons pas toujours reconnaître les vraies urgences.

Dans Passion Haïti, ce journal ou ce carnet combien passionnant et foisonnant de couleurs, d’images, de vies et de contrastes à travers lesquels Rodney Saint-Éloi revisite ce pays,

« cette île de tous les dangers, de toutes les beautés, de toutes les passions, de toutes les interrogations, de toutes les douleurs »

pour répéter Yanick Lahens[4], l’auteur montréalais résume le rêve de tout Haïtien, le pauvre autant que celui faisant « partie de cette élite barbare et répugnante[5] » : partir. Il lui faut partir pour « fuir cette marée d’amertume[6] ». C’est cela de nos jours, l’urgence pour cette classe d’Haïtiens incapables de tout, du pire comme du bien, du droit de vivre comme du droit de rêver…

Aujourd’hui devant l’urgence de dialoguer, de construire un vrai pays où il fait vraiment bon de vivre et d’habiter, sans faux-semblants, sans masques et simulacres, il y a aussi et surtout urgence de lire. Le livre est le seul vrai lieu d’une construction véritable.

 

Dieulermesson Petit Frère

 

 

[1] Carl Brouard, « Vous », Pages retrouvées. Œuvres en prose et en vers , Port-au-Prince, Panorama, 1963 p. 20.

[2] Lyonel Trouillot, Haïti (re)penser la citoyenneté, Port-au-Prince, HSI, 2001, p. 87.

[3] Rodney Saint-Éloi, Passion Haïti, Montréal, Hamac, 2016, p. 19.

[4] Yanick Lahens, Guillaume et Nathalie, Port-au-Prince, éd. Lune, 2008, p. 41.

[5] Op. cit., p. 15.

[6] Ibid, p. 17


« Ayiti anvi viv », le cri d’une jeunesse (désemparée)

La Radio nationale d’Haïti (Rnh) a réalisé ce samedi 2 septembre 2017, à Alvarez resto club, sis à l’avenue Jean Paul II, la grande finale de son concours de slam organisé au cours des vacances d’été à l’intention des jeunes du pays. Une soirée riche en couleurs qui a mis sous le feu des projecteurs la voix de la nation qui commence déjà à renaître de ses cendres.

C’est sur le thème très évocateur « Ayiti anvi viv » que s’est déroulé, pendant les mois de juillet et d’août, ce concours. Ils étaient une trentaine de jeunes d’horizons divers à prendre part à cette compétition considérée par plus d’un comme le grand événement des vacances aux côtés de « Woulib », « La grande roue des vacances », autres émissions éducatives, culturelles et ludiques conçues pour combattre l’oisiveté et le délaissement chez les vacanciers. Après avoir reçu les slams sur un disque enregistré, un jury a été constitué au sein de la station pour évaluer les œuvres aux fins de diffusion sur les ondes de la radio. Puis le public a été invité à voter pour le concurrent de son choix. De cette première sélection, 20 slameurs ont été retenus desquels 10 ont été choisis par le jury pour s’affronter en finale.

Il était déjà 17h 20 minutes quand le maître de cérémonie, Jean Robert Raymond, dit El Senior, accompagné de Staloff Troffort (la révélation en matière d’animation à la Rnh d’après les propres mots du D.G. Marc Exavier) aouvert la soirée. Place au numéro un de la radio, Marc Exavier, qui ne va pas par quatre chemins pour souligner que le concours se veut

un pari sur l’espoir et l’avenir. Il visait, entre autres objectifs, à inciter les jeunes à écouter et fréquenter la radio, stimuler la créativité des artistes, susciter une attitude positive et optimiste chez les jeunes et les encourager dans des actions susceptibles d’améliorer les conditions de vie dans le pays.

À un moment où nombre de jeunes mettent les voiles vers le Chili, le Brésil ou le Japon et d’autres destinations de l’Amérique considérées comme des « eldorados », parce que ce pays ne leur offre aucune ouverture, parce que tous les horizons sont bouchés, le concours a été un bon stimulant pour redonner l’espoir et insuffler le désir et le goût de vivre et de croire en l’avenir d’Haïti. Les textes sont d’une grande richesse thématique et expriment le malaise, la révolte, le ras-le-bol de chacun des dix slameurs, comme les héros des Dix hommes noirs d’Etzer Vilaire face au désenchantement et la situation de décrépitude du pays. Ils évoquent une série d’événements, dix au total comme les dix plaies d’Égypte, perçus comme accrocs au développement du pays : la colonisation, la corruption, l’exode rural, l’explosion démographique, les cyclones, la dictature, l’occupation américaine, la Minustha et le choléra, le séisme de 2010, la mauvaise gouvernance, l’analphabétisme.

Pour James Dufresne, journaliste de la Rnh, l’un des instigateurs de l’activité à la radio,

ce concours a permis à chacun de ces jeunes de découvrir leur talent (caché) de slameur et à d’autres de mettre leurs talents en évidence .

De son côté, le coordinateur des activités estivales à la radio, Jean-Charles Molière Louis, précise qu’

il s’inscrit aussi dans une autre dynamique.Celle de remettre la radio sur les rails, de créer l’envie d’écoute, de se familiariser avec elle et surtout de rééditer l’exploit de 2004 avec le tandem Marc Exavier-Gary Augustin de regretté de mémoire, (ce 2 septembre amène la troisième année de sa disparition).

Ce n’est pas Mirline Pierre de LEGS ÉDITION, partenaire du concours, qui dira le contraire :

comme activité intellectuelle et ludique, le concours a permis, entre autres, d’éveiller la capacité créatrice chez les jeunes et leur a permis d’exprimer leur perception sur l’Haïti d’aujourd’hui et de projeter un autre regard sur l’Haïti rêvé.

Les trois gagnants du concours Meschak Lebrun (Reste debout, 1er), Yourir Fleurissaint (Rèv sa, 2e) et Daniel Lamour (3e) ont été ovationnés par le public. Le jury composé du parolier Kébert Bastien (Keb), du slameur Jean Rollet Étienne du collectif Feu vers, du poète James Saint-Félix (Ti powèt) a fait un travail colossal. Resté sur sa faim, le public prend rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle édition du concours.

 

Dieulermesson PETIT FRERE, M.A.


Érol Josué règle ses comptes

Regleman est le titre du premier et seul album folklorique du chanteur et Hougan Erol Josué. 

Sorti en 2007, l’album garde encore toute sa fraicheur. Six ans après, l’œuvre n’a pas vieilli. Elle circule assez bien et suscite encore nombre de commentaires. Et c’est là le pouvoir de toute œuvre d’art : traverser le temps et les frontières. C’est pourquoi, toujours est-il que, devant l’œuvre d’art, peu importe la catégorie,  les jugements  formulés sont toujours immédiats et sans appel.

Avec un total de treize titres, le chanteur-houngan (re)visite toute la richesse de la culture populaire haïtienne. Les mythes fondateurs. Les croyances populaires qui constituent le ciment de notre identité de peuple, comme en parle l’Oncle dans les premières pages de son essai d’Ethnographie. C’est un moyen fort de revalorisation du vodou comme symbole important de l’identité culturelle haïtienne.

Chaque pièce composant cet album constitue un chef-d’œuvre. Le samba, à travers chacune d’elle, apporte un message de paix, de solidarité et d’amour pour le peuple haïtien. Un message de revalorisation de la culture et de la fierté nègres. Véhiculant un style musical qui mélange le rock, les rythmes (traditionnels) vodous et afro beat, racine et world beat. Une musique électrique. Envoûtante et ensorcelante qui donne une originalité, une touche et une richesse toute particulières à la musique racine haïtienne.

Enregistré chez Mi5 records aux Etats-Unis d’Amérique, avec une solide dose d’énergie, les morceaux se présentent les uns plus intéressants que les autres. Les énergies qui se dégagent de l’ensemble du disque constituent à elles seules des ondes capables de transformer chaque espèce, chaque être, chaque entité du cosmos en des formes particulières du visible et de l’invisible. Avec de fortes vibrations. Le prêtre-chanteur crée d’autres univers, inventent d’autres mondes avec d’autres entités aux multiples visages.

D’une voix en parfaite osmose avec les sons feutrés produits par ses musiciens -on s’imagine à cet égard toute la grâce et la retenue dans sa manière d’évoluer sur scène, de la chaleur dans son interprétation- Erol Josué a de la classe. Regleman est un hymne à la joie de vivre – »Ochan lavi » en est un exemple. Un titre énigmatique. Qui porte un secret dont seuls les initiés possèdent la clef. C’est ce qui lui vaut,  sans doute, ce cachet initiatique.

Le prêtre n’est pas dupe. En bon initié qui se respecte, avec  »Hounto Legba », le premier titre, il appelle, en ouverture Papa Legba, le maître des portes d’entrée et des carrefours. Pour lui frayer un chemin.  »Madan Letan » est aussi une invocation salutaire aux esprits de proximité pour un passage en douceur. C’est un garçon solide, un madichon. Qui connait le langage des  »sociétés » comme La souvenance qu’il dénomme  »société belle étoile ». Il appelle à la sagesse, la compassion des esprits  »Malkouth » pour venir en aide aux paysans, aux agriculteurs.

Pratiquant du vodou, Erol Josué est à la fois chanteur et danseur. Ayant vécu aux Etats-Unis, en France, il est un personnage fascinant.  Directeur du bureau national d’Ethnologie, il s’est installé à Port-au-Prince après le séisme de janvier 2010 établissant ainsi son péristyle dans le quartier de Martissant.  Il est issu d’une famille d’initiés qui valorisent les bienfaits du vodou. Ayant reçu le Master Dji Music Awards, Régléman a été classé parmi les dix meilleurs albums de l’année 2007 par Afropop Worlwide, Rock Paper Scissors et Soundcheck. Un disque à (re)découvrir!

Erol Josué, Regleman, mai 2007.

1- Hounto Legba

2-Madan Letan

3- La Souvenance

4- Madichon

5- Ochan Lavi

6- Balize

7- Atom pa

8- Gason solid

9- Vire wonn

10-Timoun yo

11- Yege Dahomen

12- Nadoki Nadoka

13- Krepsol

Avec la particpation de:

Roger Raspail, Tambour

Mario Masse, Flutes

Jorge Bezerra, percussions

Frank Nelson, Basse

Jean François Pauvros, Arrangement et cordes

Jaco Biderman, Lumière

Maksens Denis, Création vidéo

 

Dieulermesson PETIT FRERE

 


Un amour de Shakespeare

Mardi 11 avril 2017. Entre trois coups de l’alarme et le klaxon du train qui fait corps avec le silence du matin, le téléphone sonne. Les premiers rayons du soleil fendent le coin gauche de la grande fenêtre vitrée et déposent un jet de lumière dans la chambre. Je me soulève un peu pour voir le spectacle de l’aube. En face, les aiguilles de la petite horloge argentée placardée au mur semblent tourner au ralenti. Une sensation de déjà vu semble tout à coup m’emparer. Je me jette dans le lit et me mets à penser à la longue journée qui m’attend.

Sept heures trente. Je me mets à chercher des yeux le poster de de la femme nue couchée sur le dos, sexe béant d’où sortent des gens qui marchent dans le vieux Paris. À côté, une épigramme d’Aragon allégorisant le métro. Ce poster que j’ai eu de Juliette Combes et Sandrine Giraud lors du dernier salon Livre Paris. Il a sans doute disparu. Mes yeux se mettent à graviter autour du mur. À la recherche de tous ces visages d’écrivains, ces lignes lâchées par hasard, dans le plus beau désordre qui orne les contours de cette pièce que j’ai appris à connaître. Car elle garde tous les vieux secrets de mon enfance et tous les plaisirs minuscules ayant rempli ma vie d’homme et de bohémien candide. Toujours rien.

Sept heures quarante-cinq minutes. Le klaxon du train dehors envahit une nouvelle fois la pièce. Le téléphone sonne encore. Je décroche. À l’autre bout du fil, la voix d’Indran, le diplomate-poète, me tire rapidement de ma rêverie. Vite, je saute du lit, j’enfile mon pantalon et me dirige vers la douche. Mon voisin de chambre, Alain, dort encore. Hier, nous sommes rentrés aux dernières heures de la nuit. La fatigue, je l’ai encore plein les jambes. Lui, c’est dans tout le corps, paraît-il. En franchissant la porte, je l’appelle avec ma voix grave et cours vers l’ascenseur. En bas, tous les autres collègues attendaient, non sans peine, le signal du départ.

C’est notre deuxième journée de visite à Washington. Dehors, les gens vaquent à leurs activités. Tranquillement. Pas comme ces matins enneigés où on les voit courir dans toutes les directions. Ce mardi matin, il fait bon. L’air est doux et léger. Le temps est clair. Comme ces après-midis ensoleillés à Port-au-Prince quand les fonctionnaires empruntent le chemin du retour après une longue journée à regarder passer le temps. Sans rien faire.

Holiday Inn est l’un de ces grands hôtels de luxe situé dans le quartier chic à la sixième rue de l’avenue de l’Indépendance à Washington, dans le district de Columbia. C’est aussi un quartier administratif. En guise de petit déjeuner, je me contente d’une tranche de pain au beurre de cacahuète, une figue banane et un café. La cohorte longe l’avenue de l’indépendance, tourne à gauche juste a côté du national muséum du Smithsonian et prend la direction de la bibliothèque du Congrès. Après cette petite escale de plus d’une heure où nous avons visité le centre latino-américain, le fonds hispanique et d’autres parties intéressantes de ce plus grand centre documentaire du monde, c’est à la bibliothèque Folger Shakespeare, non loin du Capitol, que la curiosité a conduit notre regard.

Située dans le quartier de Capitol Hill, la bibliothèque Folger Shakespeare date de la première moitié du vingtième siècle (1932) et a vu le jour grâce à un financement de Henry Clay Folger et de sa femme Emily Jordan Folger. Dédiée à l’auteur de Romeo et Juliette, Hamlet et Macbeth, les deux pièces les plus célèbres de Shakespeare, ce grand dramaturge anglais de la Renaissance, la bibliothèque possède une vaste collection de ses œuvres imprimées. Au cours de cette visite, nous avons eu la chance de découvrir des documents datant du huitième siècle avant J.C. La bibliothèque Corpus Christi d’Oxford Collège a eu la généreuse idée de partager avec le public une exposition d’objets datant de plus de cinq cents ans, comme en témoigne le titre de l’exposition : « 500 ans de trésors d’Oxford ». Ce sont des manuscrits en langue grecque datant de la renaissance italienne, en hébreu et anglais. Sans oublier des sculptures remontant au seizième siècle.

Devant toutes ces fresques, ces belles pages de l’univers shakespearien, il n’y a pas mieux que de tomber en amour du dramaturge.

 

Dieulermesson PETIT FRERE