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Un amour de Shakespeare

Mardi 11 avril 2017. Entre trois coups de l’alarme et le klaxon du train qui fait corps avec le silence du matin, le téléphone sonne. Les premiers rayons du soleil fendent le coin gauche de la grande fenêtre vitrée et déposent un jet de lumière dans la chambre. Je me soulève un peu pour voir le spectacle de l’aube. En face, les aiguilles de la petite horloge argentée placardée au mur semblent tourner au ralenti. Une sensation de déjà vu semble tout à coup m’emparer. Je me jette dans le lit et me mets à penser à la longue journée qui m’attend.

Sept heures trente. Je me mets à chercher des yeux le poster de de la femme nue couchée sur le dos, sexe béant d’où sortent des gens qui marchent dans le vieux Paris. À côté, une épigramme d’Aragon allégorisant le métro. Ce poster que j’ai eu de Juliette Combes et Sandrine Giraud lors du dernier salon Livre Paris. Il a sans doute disparu. Mes yeux se mettent à graviter autour du mur. À la recherche de tous ces visages d’écrivains, ces lignes lâchées par hasard, dans le plus beau désordre qui orne les contours de cette pièce que j’ai appris à connaître. Car elle garde tous les vieux secrets de mon enfance et tous les plaisirs minuscules ayant rempli ma vie d’homme et de bohémien candide. Toujours rien.

Sept heures quarante-cinq minutes. Le klaxon du train dehors envahit une nouvelle fois la pièce. Le téléphone sonne encore. Je décroche. À l’autre bout du fil, la voix d’Indran, le diplomate-poète, me tire rapidement de ma rêverie. Vite, je saute du lit, j’enfile mon pantalon et me dirige vers la douche. Mon voisin de chambre, Alain, dort encore. Hier, nous sommes rentrés aux dernières heures de la nuit. La fatigue, je l’ai encore plein les jambes. Lui, c’est dans tout le corps, paraît-il. En franchissant la porte, je l’appelle avec ma voix grave et cours vers l’ascenseur. En bas, tous les autres collègues attendaient, non sans peine, le signal du départ.

C’est notre deuxième journée de visite à Washington. Dehors, les gens vaquent à leurs activités. Tranquillement. Pas comme ces matins enneigés où on les voit courir dans toutes les directions. Ce mardi matin, il fait bon. L’air est doux et léger. Le temps est clair. Comme ces après-midis ensoleillés à Port-au-Prince quand les fonctionnaires empruntent le chemin du retour après une longue journée à regarder passer le temps. Sans rien faire.

Holiday Inn est l’un de ces grands hôtels de luxe situé dans le quartier chic à la sixième rue de l’avenue de l’Indépendance à Washington, dans le district de Columbia. C’est aussi un quartier administratif. En guise de petit déjeuner, je me contente d’une tranche de pain au beurre de cacahuète, une figue banane et un café. La cohorte longe l’avenue de l’indépendance, tourne à gauche juste a côté du national muséum du Smithsonian et prend la direction de la bibliothèque du Congrès. Après cette petite escale de plus d’une heure où nous avons visité le centre latino-américain, le fonds hispanique et d’autres parties intéressantes de ce plus grand centre documentaire du monde, c’est à la bibliothèque Folger Shakespeare, non loin du Capitol, que la curiosité a conduit notre regard.

Située dans le quartier de Capitol Hill, la bibliothèque Folger Shakespeare date de la première moitié du vingtième siècle (1932) et a vu le jour grâce à un financement de Henry Clay Folger et de sa femme Emily Jordan Folger. Dédiée à l’auteur de Romeo et Juliette, Hamlet et Macbeth, les deux pièces les plus célèbres de Shakespeare, ce grand dramaturge anglais de la Renaissance, la bibliothèque possède une vaste collection de ses œuvres imprimées. Au cours de cette visite, nous avons eu la chance de découvrir des documents datant du huitième siècle avant J.C. La bibliothèque Corpus Christi d’Oxford Collège a eu la généreuse idée de partager avec le public une exposition d’objets datant de plus de cinq cents ans, comme en témoigne le titre de l’exposition : « 500 ans de trésors d’Oxford ». Ce sont des manuscrits en langue grecque datant de la renaissance italienne, en hébreu et anglais. Sans oublier des sculptures remontant au seizième siècle.

Devant toutes ces fresques, ces belles pages de l’univers shakespearien, il n’y a pas mieux que de tomber en amour du dramaturge.

 

Dieulermesson PETIT FRERE

 

 

 

 

 

 

 

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