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Et si Lyonel Trouillot (re)pensait vraiment la  citoyenneté?

Haïti (re)penser la citoyenneté est le titre d’un essai de Lyonel Trouillot paru en Haïti en 2001 avec l’appui du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). C’est un livre capital sur la figure et l’usage de la notion du citoyen en Haïti. L’ouvrage a été publié aux éditions Haïti solidarité internationale (HSI) dans la collection essais. Il comprend deux parties. La première porte sur un constat flagrant de l’auteur à savoir l’existence d’un déficit de citoyenneté dans le pays. La seconde partie soumet à l’attention du lecteur quelques propositions autour de la construction du citoyen.

Dans ce livre, l’auteur de La belle amour humaine pose un problème majeur. Celui du citoyen et, par ricochet, de l’identité haïtienne. La citoyenneté est une question essentielle pour la construction d’un mieux-vivre et d’un vivre-mieux dans une communauté avec soi et avec l’autre. Donc du vouloir vivre ensemble. En d’autres mots, cet exercice qui aide à penser et à orienter l’avenir sur des sentiers justes. Il existe une crise flagrante de citoyenneté dans notre Ayiti Toma. L’Haïtien n’a aucun sens de la notion de solidarité. De l’égalité et de la collectivité. Il se définit de plus en plus seul. Dans un mépris total de l’autre. Sans aucun sens du bien commun. Sans humanité et acceptation de l’autre.

Plus loin, l’auteur nuance et affirme que c’est l’existence de plusieurs types de citoyens dans le pays qui lui porte à parler d’une crise de citoyenneté. À lire cet essai, l’on ne peut s’empêcher de se rendre compte combien la société haïtienne est morcelée. Écartelée. Brisée. C’est une société qui ne cesse de créer des frustrés. Des exclus et des marginaux. Que nos institutions ne cessent de produire et d’alimenter les inégalités. La haine de l’autre et ses semblables. Des institutions qui nous apprennent à faire semblant. À maquiller la réalité. À donner le faux pour vrai et vice versa. Qu’il s’agisse de nos écoles, des associations religieuses ou des groupements politiques qui ne cessent de croître. Comme des champignons.

Le livre dit notre malaise social. Nos vices et nos infortunes. Il met sous nos yeux l’Haïtien qui n’a aucun sens des valeurs humaines et sociales. Qu’elles soient morales, culturelles et intellectuelles. Préjugés de couleur, problèmes de classes. Discours creux. Aucune formation sociale qui mette l’accent sur de véritables réseaux de solidarité réels et permanents. Trop de différenciations sociales. Nous vivons dans une société répressive. Le pays est un véritable étouffoir. L’individu est sclérosé. Pris dans un étau. Il devient un monstre.

Avec un œil sociologique, Lyonel Trouillot nous apprend à travers ce petit livre que les structures de notre société sont en train de basculer et qu’il nous faut une recomposition d’ensemble. Il nous faut une nouvelle figure de l’intellectuel, un autre modèle politique avec de vrais politiciens aptes à gérer les affaires de la Respublica et définir, tous ensemble, les objectifs de demain, dit-il, entre les lignes. Aussi pourront-ils associer, pour reprendre la formule chère à Max Weber, l’éthique de conviction à l’éthique de la responsabilité. Reste toutefois à savoir dans quel registre ou quelle intervalle de citoyenneté se situe l’auteur !

Toutefois, si le livre ne respecte aucun cadre méthodologique puisque dépourvu de références bibliographiques, de sommaire (pas même une note d’introduction), il est toutefois important de signaler qu’il est digne d’être lu. Même si la philosophie, nous dit, Marie Gaille, auteure d’un livre sur la question (Le citoyen, Paris, GF Flammarion, 1998), peut éclairer la notion de citoyen d’un discours qui lui soit propre, elle n’est pas, en tout cas, en mesure de négliger les approches juridiques, historiques, sociologiques, anthropologiques ou historiques. Autant de questions que l’on peut déceler à travers Haïti (re)penser la citoyenneté. Après la lecture du livre, on est en droit de s’interroger sur le sens de la notion. La citoyenneté est-elle l’exercice d’un droit ou d’un statut ? Se référant à Hannah Arendt, on pourrait tout aussi se demander si elle est l’évocation d’une affiliation ou d’une d’exclusion ? Encore moins un exercice d’égalité ou de liberté ?

Dieulermesson PETIT FRERE

 

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