Crédit:

Cavaillon, la ville tournesol

Je suis arrivé à Cavaillon au clair du crépuscule. Vendredi n’est pas un jour comme les autres, c’est le début du week-end. En cet après-midi tranquille et splendide, j’ai la tête aux ballades vespérales. La ville porte mal cette odeur ténébreuse. Deux jours depuis que les habitants sont dans le noir. Tout le monde se plaint, se lamente sur cette obscurité qui tombe sur la ville comme une malédiction. Avec ses rues propres, grouillantes de monde, les maisons bien construites, les écoliers au visage rayonnant d’espoir, la vie brandit ses airs dans le silence des passants, tout heureux de rentrer chez eux après une journée de dure labeur. Ici, les gens sont sympas. Ils sont toujours prêts à vous offrir un morceau de sourire. Cette contagion de leur joie de vivre.

Située dans le département du Sud, Cavaillon est une commune de l’arrondissement d’Aquin. À quelques vingt-cinq à trente minutes de la ville des Cayes, elle compte cinq sections communales (Boileau, Martineau, Gros-Marin, Mare-Henri et Laroque). Ce qui laisse l’impression qu’elle fait la grosseur d’un poin(t)g. Malgré le bleu colorant luisant sur les portes d’entrée, le bleu du ciel faisant corps avec la voûte de la belle Église Notre Dame du Perpétuel Secours au cœur de la Place d’Armes, la cité de Sylvio Cator ne dispose pas pour autant d’espaces de loisirs. Le seul lycée qui reçoit les élèves de la septième année fondamentale à la rhéto, le Lycée Platel Mageste de Cavaillon logé dans l’enceinte même d’une École nationale, est dans un piteux état. Isolé entre les haies de cactus, la poussière grasse du midi et les herbes folles, sans électricité, sans eau et sans bibliothèque et sans terrain de jeux, il est nettement dépourvu du strict nécessaire d’un vrai établissement scolaire.

Cavaillon, la terre de Gérard Jean-Juste, Yvon Neptune, Rodney Saint-Éloi et tant d’autres, est une ville debout. Aux accents aigus. À quelques mètres de l’entrée principale, sur la gauche, on trouve le commissariat de police. Plus loin, sur le coin droit, c’est le restaurant Kay madan Alfred, avec ses odeurs épicées, ses plats fumants qui accueille le visiteur, content de se rafraîchir après avoir laissé Port-au-Prince, cette capitale encombrante, alourdissante, malodorante et aux bruits sourds.

La villa des Tournessols, un havre de paix

À Cavaillon, il existe un orphelinat, la Villa des Tournessols, un havre de paix pour les petites filles démunies des différentes contrées du pays. Mis sur pied en 2008 par sœur Marie-Carmelle Durand, il constitue un vrai asile pour ces enfants au cœur candide, ces petites filles animées du désir de vivre, de tisser des rêves aux pieds de ce pays branlant, peinant à dessiner des aubes heureuses pour le bonheur de ses fils et ses filles. Elles sont trente-six à l’orphelinat. Les enfants ont droit à trois repas chauds par jour, elles vont à l’école gratuitement et disposent des heures de loisirs qu’elles utilisent dans la fabrication d’objets artisanaux en atelier pour être vendus, par la suite, à des visiteurs.

Affilié à l’école Marguerite D’Youville, une institution d’enseignement mixte de la zone, l’orphelinat bénéficie du support financier des Sœurs de la Charité de Saint-Hyacinthe, une Congrégation religieuse féminine du Canada. Cet après-midi, le hasard m’a conduit vers Claudia Trudel, Lyne et Sylvie Arseneault, trois québécoises en voyage humanitaire au pays et qui sont tombées amoureuses de Cavaillon qu’elles qualifient de paradis terrestre. En plus de travailler avec les enfants, elles se sont fait beaucoup d’amis, ont joué aux cartes avec des gens qu’elles trouvent toujours de bonne humeur. Elles qui croyaient qu’Haïti n’était qu’un pays pauvre, voué à la violence. Mais les gens oublient que la violence est partout dans le monde. Ici, elles ont rencontré des gens accueillants, les écoliers bien mis dans leur petite uniforme, des paysans qui offrent aux passants tout l’or de leur sourire. Et cet air festif qui ponctue la ville…

À Cavaillon, la vie sourit au rythme du jour. Il y a le soleil, les arbres, le silence et surtout la rivière. Il suffit d’un seul soir, au bord de cette eau qui capte à elle seule toute la beauté du bleu azuré et le chant de la nuit pour découvrir toute la tendresse de la nature. Cette nature qui nous aime et ne cesse de nous ouvrir son sein, comme l’a signalé le poète Lamartine. Cavaillon, la ville d’espérance, ouverte au bonheur, est une fierté haïtienne.

Dieulermesson PETIT FRERE

 

 

 

 

Étiquettes
Partagez

Auteur·e

dpetitfrere

Commentaires